Contribution à une meilleure compréhension de l’histoire de la Digue de Maʾrib au Yémen

Le môle sud de la digue de Marib

Christian Darles (École nationale supérieure d’architecture de Toulouse)
Christian Julien Robin (CNRS, UMR 8167 Orient & Méditerranée, Ivry-sur-Seine)
Jérémie Schiettecatte (CNRS, UMR 8167 Orient & Méditerranée, Ivry-sur-Seine)
Annexe de Ghassan el Masri (Dahlem Humanities Center, Berlin)

 

La Digue de Maʾrib tire son nom du bourg de Maʾrib, qui se trouve à 7 km en aval, sur la rive gauche du wādī Dhana (l’antique Adhanat, ʾḏnt) (voir la carte figure 1 et le plan figure 2). Ce bourg se trouve sur le site de la ville antique de Maryab (Mryb, nom qui devient Marib [Mrb] vers la fin du iie s. è. chr., puis Maʾrib en arabe), la capitale du royaume de Sabaʾ15. La Digue était un ouvrage gigantesque, barrant l’une des plus grandes vallées du Yémen, le wādī Dhana, dans un étroit défilé à la sortie des montagnes, juste avant que ce wādī se perde dans le bassin désertique du Ramlat al‑Sabʿatayn. Elle se composait d’une massive levée de terre barrant complètement la vallée et de deux énormes écluses construites en pierre sur la rive rocheuse, une à chaque extrémité (figures 2, 3, 5, 8).

La levée de terre mesurait 650 m de longueur et atteignait 15 m de hauteur dans le lit du wādī ; à la base, sa largeur était d’une centaine de mètres16. C’était l’élément le plus fragile du dispositif. À chaque crue d’une ampleur exceptionnelle, cette levée se brisait et était emportée en plus ou moins grande partie. Mais elle était facile à reconstruire. Cependant, pour éviter que les ruptures ne soient trop fréquentes, elle était protégée par des pierres plates fichées à sa surface (figure 9). Aujourdhui, il n’en subsiste plus que le tiers septentrional, entre l’Écluse septentrionale et le lit du wādī Dhana.

La massive levée de terre était flanquée à ses deux extrémités par deux dispositifs complexes, construits en pierre, que j’appellerai « écluses » par commodité. Ces deux écluses, toujours debout, conservent la trace de multiples réfections, surélévations et ajouts. Dans son dernier état, l’Écluse septentrionale se composait d’un déversoir pour évacuer un éventuel trop-plein et de deux ouvertures qui alimentaient le canal irriguant la partie nord de l’oasis. L’Écluse méridionale régulait la quantité d’eau destinée à l’oasis méridionale.

Le wādī Dhana, que barre la Digue de Maʾrib, a son origine au sud de Ṣanʿāʾ. Parcourant près de 120 km en direction du nord-est jusqu’à Maʾrib, il draine les eaux d’un bassin versant d’une superficie de 8 200 km2 17. Dans ce bassin versant, les précipitations sont abondantes et régulières sur les Hautes-Terres de la région de Ṣanʿāʾ, mais très faibles et imprévisibles du côté de Maʾrib. Le débit du wādī Dhana est donc fonction de la quantité des pluies qui tombent.

 

la Digue de Mârîb au Yémen