Le dieu Océan en son musée

L'espace muséographique de Maubourguet

Maubourguet, Hautes-Pyrénées

Article publié dans la revue MIDI-PYRÉNÉESPATRIMOINE, 31, Automne 2012.

En plein centre de Maubourguet, au sein d’un ensemble de bâtiments publics de grande qualité architecturale, a été inauguré, il y a un an, un espace muséographique entièrement consacré au patrimoine archéologique local. Dans une lumière feutrée, on peut découvrir un grand nombre d’objets qui illustrent le passé de cette partie du Val d’Adour, de la préhistoire au monde médiéval. Ces collections sont entièrement organisées autour de la splendide mosaïque du dieu Océan, découverte il y a plusieurs décennies au milieu des champs, déposée puis reposée dans son contexte initial avant la construction du musée. Un film passionnant retrace l’histoire de la découverte de ce décor de pierres colorées qui ornait le bassin froid d’un balnéaire d’une villa importante.

En mai 1971, au sud-est de Maubourguet, au lieu-dit Saint-Girons, une villa antique était identifiée lors d’une prospection archéologique. Au milieu d’un vaste territoire de plus de cent hectares destiné à l’élevage, on pouvait distinguer les ruines d’une tour isolée communément appelée pigeonnier. Ce n’est que huit ans plus tard qu’un nouveau propriétaire entreprit de labourer les champs et décida la destruction des ruines. Tout était prêt pour la démolition lorsque, après avoir méthodiquement reconnu le quadrilatère formé par les vieux murs, l’entrepreneur rencontra un dallage excessivement résistant. La mosaïque du dieu Océan était alors mise au jour. Elle fut dégagée, étudiée et fit l’objet de publications, principalement par Sylvain Doussau et Catherine Balmelle. Daté de l’Antiquité tardive, ce décor de 4,50 mètres sur 4,30 mètres entre dans une longue histoire du site, partant de la fin de la préhistoire jusqu’aux temps carolingiens.

Une fouille d’évaluation archéologique permit, en 2003, de mieux comprendre les vestiges totalement arasés de la villa et de connaître l’extension totale d’une nécropole du début du Moyen Âge. Lors de sa dépose en 2006, les archéologues résolvent l’énigme de la parfaite conservation du tapis mosaïqué : après avoir orné les bains d’une villa luxueuse, il avait été utilisé comme sol de plusieurs édifices cultuels dont le dernier, carolingien, succédait à plusieurs chapelles chrétiennes à abside.

La municipalité de Maubourguet, le service régional de l’archéologie et les services des Monuments historiques décidaient également la dépose des murs du bassin et de l’église. Il s’agissait, dans un premier temps, de restituer au musée la ruine authentique, telle qu’elle avait été découverte sur le site. Mais aussi de présenter la mosaïque en situation de fond de bassin du balnéaire, puis comme choeur de sanctuaire paléochrétien et mérovingien et, enfin, d’évoquer son ensevelissement sous le choeur de l’église carolingienne.

Le Dieu OcéanLe décor du tapis est remarquable par l’emploi de nombreux éléments figurés, liés au milieu aquatique, qui s’ordonnent géométriquement autour du motif central représentant une tête d’Océan, curieusement coiffée d’une coquille. Cette tête, étonnante par son expression de gravité, possède tous les attributs symboliques du dieu : antennes, pinces et barbe limoneuse. L’image est entourée d’animaux aquatiques, des poissons, des poulpes, des canards et de très beaux dauphins affrontés de part et d’autre d’un cratère.

À l’instar des grands musées archéologiques gallo-romaine de Lyon, ce lieu, facilement accessible depuis la plaine de l’Adour, permet aujourd’hui à la population locale, aux touristes mais également aux scientifiques d’apprécier dans son contexte un chef-d’oeuvre de l’Antiquité tardive, particulièrement représentatif de la richesse des demeures aristocratiques du Sud-Ouest.

Christian Darles

A visiter :

Espace muséographique, 140, allées Larbanès, Maubourguet (65), ouvert du lundi au vendredi de 9 h à 12 h 30 et de 14 h à 17 h 30, le samedi de 9 h à 12 h et de 14 h à 17 h, entrée 3 €.
www.tourisme-maubourguet.fr

A lire :

Doussau (Sylvain), Une découverte archéologique exceptionnelle. La mosaïque au dieu Océan et le domaine de Saint-Girons, 2010 ;
Balmelle (Catherine), « Les demeures aristocratiques d’Aquitaine, société et culture de l’Antiquité tardive dans le sud-ouest de la Gaule », Aquitania, sup. 10, 2001.