Les hammams du Yémen et de Sanaa, entre tradition et changement

Hommes au hammam

Nabil Botros, photographe, Paris
Christian Darles, architecte, UMR 5608 TRACES, Toulouse
Yahiya al-’Ubali, chercheur, Université de Sanaa
Michel Tuchscherer, historie, Université d’Aix-Marseille

Ouvrage en préparation chez Geuthner

Le hammam correspond à une caractéristique essentielle de la civilisation islamique ; c’est le lieu où se croisent l’urbain, la citadinité, le religieux, le social, la féminité. Il n’existe pas de modèle unique, ni de pratiques identiques généralisées, même s’il existe de nombreuses ressemblances. Les bâtiments et les pratiques sont toujours marqués par des spécificités liées à l’histoire, à la société et à la culture locales. Contrairement à de nombreux pays du Moyen-Orient, de la Tunisie à la Turquie, en passant par l’Égypte et la Syrie  où nombre de hammams sont en ruine ou ont disparu, où les pratiques sont tombées en déshérence, où on assiste à une patrimonialisation de quelques bâtiments devenus attraction pour touristes, au Yémen au contraire se maintient une solide culture du hammam. La vivacité de pratiques originales dans les villes des hauts plateaux, en particulier à Sanaa où tous les anciens hammams sont en activité, s’accompagne de la construction de nouveaux hammams dans les extensions récentes de toutes les villes des hauts plateaux. On note ainsi la généralisation du bain et de la pratique du thermalisme dans diverses régions.

Le hammam est un lieu d’ambiguïté, de contradictions et de ségrégation absolue des sexes. Il existe aussi une marginalité sociale des hammâmîs. Le hammam est le lieu où le corps est libéré de son enveloppe textile, c’est le lieu où on se dénude, c’est également le lieu de la purification rituelle. Il est enfin le marqueur de la citadinité des hauts plateaux, en particulier à Sanaa.

Le hammam dans le Yémen actuel est révélateur des transformations sociales. Il est le lien par excellence du corps social où, dans un contexte de transformations rapides et profondes de la société yéménite, des répercussions importantes transparaissent au niveau du hammam et dans les pratiques, ce qui se traduit aussi au niveau de l’architecture ; le hammam reste un élément important dans la culture citadine.